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La dépression n’a pas détourné Seltenreich-Hodgson de sa route vers Rio

Articles de fond –

Par Jim Morris

Elle manquait de motivation. Elle se sentait triste et vide.

Parfois durant l’entrainement, la nageuse éclatait en sanglots.

« Tu ne peux pas continuer si tu pleures de façon hystérique, vous êtes embarrassée, »
dit la native de la ville d’Ottawa qui s’entraine maintenant au Centre de haute performance — Vancouver.

L’étudiante de 21 ans à l’université de la Colombie-Britannique ne comprenait pas pourquoi elle avait l’impression que des nuages sombres la suivaient partout. Elle se sentait coupable ce qui la rendait encore plus triste.

« Vous ne comprenez pas pourquoi vous ressentez ces émotions et vous êtes encore plus abattu, » ajoute-t-elle.

« Vous avez l’impression de dégringoler, et ça ne fait qu’empirer. C’est très difficile de remonter la pente. »

Pendant plusieurs mois, Erica Seltenreich-Hodgson a vécu dans la morosité, faisant de son mieux pour l’affronter. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait, mais l’acceptait comme si c’était normal. Elle n’aurait jamais pensé souffrir d’une dépression.

Cela a changé le jour où elle a réalisé qu’elle détestait la natation.

« Lorsque j’ai finalement réalisé que je détestais nager, c’est la première fois que j’ai senti que quelque chose n’allait pas. Je n’ai jamais détesté la natation avant ça, » dit-elle.

« Je n’aimais plus la compétition. Ça, c’était vraiment marquant. S’il y a une chose que j’ai toujours aimée, c’est d’arriver au bord de la piscine, de monter sur le bloc et nager le plus vite possible. »

Aux derniers Essais olympiques et paralympiques, Erica a terminé 2e au 200 m QNI et a réalisé le standard demandé et a gagné sa place sur l’équipe canadienne qui participera aux Jeux olympiques de Rio cet été.

Tout de suite après, c’est une Erica émue, retenant ses larmes, qui parlait de réaliser le rêve qu’elle avait depuis ses 10 ans et comment elle avait traversé une année difficile.

En 2012, l’athlète alors âgée de 16 ans avait raté l’équipe pour les jeux de Londres, mais était confiante que le rêve pouvait devenir réalité.

« C’était l’une des premières fois où je sentais vraiment que je pouvais y arriver, » dit-elle.

En février 2015, son rêve d’aller à Rio tendait plus vers le cauchemar.

Elle a toujours été quelqu’un d’émotif, vivant des « hauts très hauts et des bas très bas ». Mais quelque chose était différent cette fois.

Au début, elle attribuait sa tristesse et ses pleurs au stresse de l’école, à la monotonie des entrainements ou encore à la température sombre et humide de Vancouver. Ce n’est que lorsqu’elle a parlé à la psychologue de UBC, Whitney Sedgwick, qu’elle a réalisé qu’elle souffrait d’une dépression.

« J’étais en déni pendant un moment, je ne pensais pas que mon problème était une dépression. »

À travers tous ces mauvais moments, Erica n’a jamais pensé à s’automutiler.

« Les gens croient que si vous n’êtes pas suicidaire, vous ne souffrez probablement pas d’une dépression. Je n’avais pas de pensées suicidaires, alors je ne pensais pas que la dépression était une possibilité. »

La conseillère en performance mentale est l’une des nombreuses professionnelles disponibles pour les nageurs du Centre de haute performance — Vancouver. Lorsque Sedgwick lui a expliqué les symptômes de la dépression, Erica a eu une idée de ce dont elle pouvait souffrir. Le simple fait d’en parler et de mieux comprendre ce qu’elle vivait a eu un impact positif sur sa vie.

« Pendant des mois, je n’en ai pas parlé parce que je n’avais rien à dire. Je ne pouvais pas en parler à mes amis. Je croyais ne pas avoir d’excuses, je n’avais rien avec quoi ils auraient pu m’aider, » déclare-t-elle.

Erica a décidé de ne prendre aucune médication pour traiter sa condition et a cherché un traitement avec Sedgwick. À travers ce soutien professionnel, elle a développé sa compréhension des façons dont la dépression pouvait être gérée et traitée. Cela a impliqué de changer la manière dont elle se percevait, dont elle percevait la natation et le monde. Des stratégies pratiques ont impliqué qu’elle change sa routine quotidienne afin de gérer efficacement sa journée.

Si elle sentait les pleurs venir, elle pensait à cinq de ses chansons préférées ou à cinq livres qu’elle aime.

« Ca permet à votre esprit de se couper du moment présent. »

Le fait de comprendre ce qui se passait dans sa vie a permis à Erica d’en parler avec ses parents, ses amis et ses entraineurs.

« J’ai pu leur expliquer ce qui m’arrivait, ce qui les a aidés à gérer la situation. Plusieurs ne savent pas comment aider quelqu’un qui souffre de dépression, » ajoute-t-elle.

Selon l’Association canadienne pour la santé mentale, environ 8 % des adultes souffriront d’une dépression majeure dans leur vie. Environ 5 % des hommes et 12 % des femmes âgés de 12 à 19 ans ont connu des épisodes de dépressions majeures.

Le Clinical Journal of Sport Medicine (23 [4], 2013, 273-277) a trouvé que la majorité des éléments de l’examen d’athlètes d’élite indiquaient que la dépression survenait à une fréquence similaire ou plus élevée que dans l’ensemble de la population. Chez les athlètes féminines, les risques étaient de 1,32 plus grands de faire l’expérience des symptômes de la dépression que chez les athlètes masculins.

Le CMHA indique également qu’une fois que la dépression est reconnue, le traitement peut améliorer la condition par 80 % pour les personnes atteintes, leur permettant de reprendre leurs activités quotidiennes.

Seltenreich-Hodgson croit que les symptômes de la dépression devraient être mieux expliqués. Cela permettrait aux gens atteints de chercher un traitement plus rapidement.

« Avant, je ne savais même pas qu’il y avait une façon de le mesurer, » ajoute-t-elle à propos des symptômes.

« Aller chercher de l’aide a été le moment tournant. Même si vous n’êtes pas certains de vos symptômes, cela ne peut qu’aider. Même si vous n’êtes pas dépressif, en parler à quelqu’un est très important. »

Pour elle, il ne fait aucun doute que si elle n’était pas allée chercher de l’aide d’un professionnel, elle ne se serait pas qualifiée sur l’équipe olympique.

« Lorsque je regarde en arrière, à ces mois où je ressemblais à un zombie, à ce moment-là je ne savais pas que ce n’était pas normal. Maintenant que je suis plus heureuse, je sens que je m’épanouis. Je suis tellement excitée par toutes les petites choses. Je veux aller à la piscine, j’aime m’entrainer fort. »

« J’aime la natation à nouveau. »